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Peinture de Jan Brueghel, dit « de velours », 17° siècle, pinacothèque de Munich.

 

5° Dimanche du Temps Ordinaire / 5 février 2017.

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu. 

 

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel devient fade, avec quoi sera-t-il salé ? Il ne vaut plus rien : on le jette dehors et il est piétiné par les gens. Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée. Et l’on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau ;

on la met sur le lampadaire, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. De même, que votre lumière brille devant les hommes : alors, voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux. »   (Mathieu 5, 13-16)

 

 

Jan Brueghel reprend ici un mode de composition habituel de son père Pieter Brueghel. Celui-ci souligne le peu d’importance reconnue au témoignage de Jésus : l’événement essentiel se déroule au milieu de l’indifférence générale; ici Jésus prêche n’attirant qu’un petit nombre de disciples au milieu l’indifférence de la majorité de ceux qui l’entourent. Jésus est peint, très petit au centre de la toile, à l’aplomb du rocher pyramidal sur l’ile en fond de tableau : au loin, presqu’à l’arrière-plan, sa minuscule silhouette blanche se détache sur l’arrière d’un bateau amarré. Pendant qu’il enseigne, la plus grande part des gens assemblés en divers groupes continuent leurs activités quotidiennes de rencontres, de déplacements, de commerce ou de navigation : ce qui semble faire pour eux le sel de la vie reste sans rapport avec « le sel de la terre » signifié par Jésus. Ainsi Pieter Brueghel, puis Jan Brueghel après lui, expriment leur désolation de l'indifférence à la Parole de Dieu par leurs contemporains dont ils sont témoins; ils pourraient suggérer l’évocation du prophète Isaïe cité par Jésus : « Le cœur de ce peuple s’est alourdi : ils sont devenus durs d’oreille, afin que… leurs oreilles n’entendent pas, que leur cœur ne comprenne pas, qu’ils ne se convertissent pas, – et moi, je les guérirai.» (Mathieu13,15 et Isaïe 6,9-10). Or Mathieu oppose ce refus à l’accueil des disciples à qui Jésus dit : « Mais vous, heureux vos yeux puisqu’ils voient, et vos oreilles puisqu’elles entendent ! » ou « Allez annoncer à Jean-Baptiste ce que vous entendez et voyez :.. les sourds entendent… et les pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle » (Mathieu 11,5). 

 

Le rocher qui surplombe Jésus semble bien renforcer cela. Pour ces peintres imprégnés de lectures bibliques et violemment opposés à leurs envahisseurs espagnols catholiques (au moins pour Pieter Brueghel), le symbole du rocher était important : « Dieu mon libérateur, le rocher qui m'abrite, mon bouclier, mon fort, mon arme de victoire !.. » (Psaume 17,3.32.47), selon la référence au rocher de Massa et Mériba, ( = tentation et défi en opposition à Dieu), dont Moïse tira l’eau qui vitale au désert (Exode 17,1-6). Pierre reprend ce symbole dans sa 1° lettre : « Il y a ceci dans l’Écriture : Je vais milieu au cœur de mon peuple une pierre angulaire, une pierre choisie, précieuse ; celui qui met en elle sa foi ne saurait connaître la honte. Ainsi donc, honneur à vous les croyants, mais, pour ceux qui refusent de croire, il est écrit : La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle, une pierre d’achoppement, un rocher sur lequel on trébuche. » (1 Pierre 2,6-8). Ce rocher souligne l’origine divine de la Parole de Jésus, « la vraie Lumière, qui éclaire tout homme en venant dans le monde » (Jean 1,9).

 

Le peintre a dessiné les disciples implantés au milieu de ce monde indifférent pour y être porteurs de lumière; pourtant ils seront affrontés à la même situation. Le peintre nous induit à évoquer les paroles de Jésus, particulièrement celle de l’évangéliste Jean : « Un serviteur n’est pas plus grand que son maître. Si l’on m’a persécuté, on vous persécutera, vous aussi. Si l’on a gardé ma parole, on gardera aussi la vôtre. » (Jean 15,20) et encore : « Le Verbe était la vraie Lumière, qui éclaire tout homme en venant dans le monde. Il était dans le monde, et le monde était venu par lui à l’existence, mais le monde ne l’a pas reconnu. Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas reçu. Mais à tous ceux qui l’ont reçu, il a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu, eux qui croient en son nom. » (Jean 1,9-12). D’entrée de jeu, Jean annonce le drame qu’avaient annoncé les prophètes et que Mathieu ne dévoilera que progressivement. Dans sa 1° lettre, Pierre invite ses lecteurs à ne pas attendre : « Approchez-vous de lui : il est la pierre vivante rejetée par les hommes, mais choisie et précieuse devant Dieu. Vous aussi, comme pierres vivantes, entrez dans la construction de la demeure spirituelle » (1 P 2,4-5). La lumière du monde, le sel de la terre, ne s’imposent pas comme il se fera à la fin temps :  alors « comme l’éclair part de l’orient et brille jusqu’à l’occident, ainsi sera la venue du Fils de l’homme. » (Mathieu 24, 27).

 

Dans ce contexte Jésus invite ses disciples à mettre sa parole en pratique : "Que votre lumière brille devant les hommes : alors, voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux". Les effets de leur rayonnement  ne leur appartiennent pas et ne se verront pas forcément : ils sont dans le secret entre Dieu et ceux qui les voient.

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